mercredi 10 décembre 2014

De Cracovie à Auschwitz, sur le chemin de la mémoire


Que j'ai eu du mal à l'écrire cet article ! Je ne savais pas vraiment par où commencer, j'avais très peur de ne pas choisir les bons mots... bref, il en résulte peut être quelque chose de maladroit mais je voulais absolument vous parler de cette étape marquante de notre voyage polonais. Dans mon dernier billet sur la Pologne, je vous emmenais flâner dans le centre ancien de la jolie Cracovie. Aujourd'hui, on reste à Cracovie mais on prend un peu de distance avec la Rynek Glowny pour partir à la découverte de quartiers à l'histoire douloureuse. 

Kazimierz



Kazimierz est le quartier juif de la ville. Des 70 000 juifs qui vivaient à Cracovie avant la seconde guerre mondiale, très peu ont survécu à l'Holocauste. La quartier compte aujourd'hui de nombreuses synagogues ainsi que des lieux et musées consacrés à l'histoire et à la culture juive. Nous avons commencé notre découverte du quartier par la synagogue et le cimetière Remuh. Ce cimetière, qui date de la Renaissance, avait été fermé dès le XVIIème siècle pour des raisons sanitaires et détruit par les Nazis pendant la seconde guerre mondiale. Le lieu a depuis été restauré et 700 tombes ont été mises au jour par les archéologues. Le lieu est très différent du cimetière de Prague. Les tombes sont alignées, parfaitement droites, certaines sont protégées et d'autres en cours de restauration. 


C'est dans le quartier que Spielberg a choisi de tourner La liste de Schindler. Aujourd'hui Kazimierz donne l'image d'un quartier très touristique, envahi de "voiturettes" qui emmènent les visiteurs dans les différents points historiques. Comme à notre habitude, on a préféré poursuivre notre découverte à pieds, en marchant un peu au hasard et en regardant autour de nous. Aujourd'hui, Kazimierz est un quartier d'artistes, un poil bobo et branché. 


Où manger à Kazimierz ? 
Bagel Mamma : un petit resto très mignon qui, comme son nom l'indique, sert des bagels. Une bonne adresse pour petits budgets.

Podgorze



Quand les Juifs ont été expatriés par les Nazis en 1941, c'est dans le quartier de Podgorze, de l'autre côté de la Vistule, qu'ils ont été "amenés". Podgorze est en fait l'ancien ghetto juif de Cracovie et tout, quand on marche dans les rues, nous ramène à son histoire.  La découverte est émouvante parce que certaines rues n'ont quasiment pas changé depuis 1945, parce que l'on essaie d'imaginer cet endroit 60 ans auparavant. Là, l'entrée de l'ancien ghetto, là de grandes chaises métalliques qui rappellent l'absence des déportés, là un morceau de l'ancien mur... 


Il y a peu de monde dans les rues, on suit celles du ghetto, c'est troublant. Et je me dis que la visite d'Auschwitz qui nous attend demain va être difficile.

L'ancienne usine Schindler 



Aujourd'hui transformée en musée, l'ancienne usine d'Oskar Schindler est consacrée à l'histoire de Cracovie sous l'occupation nazie. J'ai trouvé le musée très intéressant mais un peu "brouillon". A peine entré dans la première salle, on est un peu perdu... vidéos, photos et mises en scène rendent l'espace assez complexe et surtout pas facile d'accès. Le musée adopte ensuite une scénographie chronologique qui présente Cracovie pendant l'occupation. Photos, vidéos, reconstitutions, bandes audios, objets...il y a beaucoup (trop ?) d'informations, on en perd parfois le fil alors je me suis contentée de piocher dans celles qui m'intéressaient. 


Infos pratiques : Ancienne Usine Schindler - ul. Lipowa 4 - Cracovie
Entrée : 19 zl soit environ 4,50 €

Auschwitz - Birkenau



Je me suis beaucoup demandé s'il fallait que je parle de ma visite d'Auschwitz (Oswiecim en polonais) ici et surtout de quelle manière. On ne sort pas indemne d'une telle visite et j'y penserais sans doute jusqu'à la fin de ma vie. Quand on arrive sur le site avant 15h, la visite guidée est obligatoire. Elle dure 3 heures, commence dans le camp d'Auschwitz puis se poursuit dans le camp de Birkenau, construit en 1941 par les prisonniers eux-mêmes car le premier camp était devenu "trop petit".

Même si vous y allez à un horaire où la visite guidée n'est pas obligatoire, je vous conseille de la suivre quand même. Le guide nous raconte beaucoup de choses qui nous ont permis de mieux comprendre le fonctionnement et la vie dans les camps. C'est très dur, évidemment, on écoute, on encaisse, on enchaîne les pièces, les bâtiments et on avance sans poser de question de peur de la réponse. On entend tellement de choses pendant ces trois heures qu'on a peine à réaliser l'ampleur de l'horreur et de la barbarie perpétuées dans ces camps. C'est en sortant, après la visite, que tout ce qu'on a entendu résonne dans nos têtes et nous fait réfléchir à beaucoup de choses. On en a beaucoup discuté après la visite, comme un besoin de ne pas garder tout ça pour nous. 1,5 millions d'hommes sont morts dans les camps. Auschwitz ne s'oublie pas... et il ne faut surtout pas oublier Auschwitz, jamais.


Je ne vais pas ici vous raconter la visite car je pense qu'elle n'a de sens que lorsque l'on est sur place. Mais si vous avez l'envie de vous pencher sur cette période de l'histoire, je vous conseille vivement de lire la BD Maus d'Art Spiegelman. L'auteur y raconte l'histoire de sa famille et en particulier celle de son père, survivant des camps. Un témoignage bouleversant, poignant dans lequel je retrouve toutes les informations reçues pendant notre découverte d'Auschwitz.

Infos pratiques  :
Aller à Auschwitz :
 - en bus (c'est le moyen que nous avons choisi) depuis la gare centrale de Cracovie. Durée : 1h20 environ. Tarif : 24 zloty AR (soit environ 6 euros)
- en train  : trajet un peu plus long selon le Routard et bus à prendre en plus à la gare d'Oswiecim pour rejoindre les camps
Entrée dans le site :
La visite commence obligatoirement à Auschwitz I
Visite guidée obligatoire entre 10h et 15h (plusieurs visites en français par jour)
Tarif : 40 zl la visite guidée (soit environ 10 €)


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26 commentaires:

  1. Je suis allée "visiter" le premier camp de concentration nazi à Dachau. Une journée avec le souvenir de tous ces hommes, femmes et enfants morts qui te fait réaliser la barbarie d'un régime... Je me rappelle avoir marché pendant des heures sans parler, dégoutée en me demandant comment cela était possible. Une tranche d'histoire qu'il ne faut pas oublier.

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    1. Lors de la visite, personne ne parlait, c'est difficile d'entendre tout ce qui s'est passé dans ces camps. Je ne comprends toujours pas comment cette barbarie a eu lieu, c'est juste inimaginable. ..

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  2. Merci à toi pour ton témoignage! Oui il faut en parler, oui il faut mettre des mots et des photos pour ne jamais oublier. Je ne me suis pas encore décidée à aller faire ce pèlerinage si l'on peut l'appeler comme ça. Ma cousine me l'a proposé après notre visite de Drancy et avoir écouter le témoignage d'un survivant André Berkover. Mais je ne suis pas prête encore. Aller en Allemagne oui, mais en Pologne c'est comme aller dans un grand cimetière vivant où les âmes de ma famille et des autres exterminés voltigeraient toujours et toujours ...

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    1. Je t'avoue que même y prendre quelques photos sur le moment m'a paru indécent... mais finalement, je rejoins ce que tu dis, il faut en parler pour ne surtout pas oublier. Je te comprends et attends d'être prête pour y aller, sinon le traumatisme risque d'être fort. (Mais sinon la Pologne est un très joli pays chaleureux, on a vraiment beaucoup aimé:)

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  3. J'ai visité Auschwitz lorsque j'avais 15 ans. J'étais en colonie de vacances en Pologne, nous étions donc une vingtaine d'ados dans le camp avec notre guide. Et inexplicablement, nous nous sommes effondrés un par un sans forcément comprendre ce qu'il nous arrivait, nous sommes ressortis du camps complètement vidés et bouleversés. Aujourd'hui, il me reste de cette visite des images partielles, je me souviens particulièrement des portraits qui semblent te dévisager lorsque tu rentres dans l'un des baraquements, ces chaussures et valises empilées, et cette ambiance oppressante... Pas besoin de parole, on comprend et on ressent ce qu'il s'est passé à cet endroit. Sinon à part ça, je garde un super souvenir de la Pologne et notamment de Cracovie !

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    1. J'appréhendais vraiment beaucoup d'aller à Auschwitz, j'avais entendu beaucoup de choses de personnes qui étaient allées sur place et qui avaient vraiment mal vécu cette "visite". Je pense que c'est la visite guidée qui nous a aidé à ne pas craquer, le guide parle beaucoup, on va d'un bâtiment à un autre en suivant son rythme sans avoir vraiment le temps de réaliser complètement... C'est plus tard, à la sortie, que toutes les phrases qu'ils a prononcées reviennent en tête et, effectivement, on est complètement sonnés... Mais sinon, nous aussi, on a beaucoup aimé la Pologne :)

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  4. Je te rejoints totalement. Auschwitz ne se raconte pas, c'est une expérience qui se vit. Je me souviens d'une journée passée dans le silence. Une guide merveilleuse qui nous avait très bien accompagné par ses explications. Des portraits, des baraquements, de l'immensité du site et d'une natte dans la masse des cheveux exposée.
    Lorsque je suis retournée en Pologne quelques années après, je n'ai pas voulu y aller à nouveau ou voir un autre camp. J'ai vu. Je sais. Cela ne m'aurait rien apporter. Mais je suis contente d'y être allée une fois dans ma vie, cette visite restera toujours en moi. Non, elle ne s'oublie pas.

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    1. Je ne pense pas que j'y retournerai non plus, j'ai vu et de toute façon une telle "visite" ne s'oublie jamais.. C'est dur mais c'est incontournable d'après moi quand on passe à Cracovie, comme un devoir de mémoire à accomplir.

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  5. J'ai visiter ce camp lorsque j'étais au lycée. Avec ma prof et ma classe, on avait remporté un concours Breton, nous permettant de visiter le camp, avec un ancien déporté qui avait survécu au camp... C'était tout simplement glaçant de visiter tout ça surtout qu'on y a été en Février, qu'il avoisinait les -30°C dehors et qu'on s'imaginait bien ces pauvres êtres humains transits de froid avec leur pauvre pyjama rayé... il nous a raconté tellement d'horreurs, je crois que cette journée restera gravée à jamais dans ma mémoire...

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    1. On a eu la "chance" (si on peut dire ça comme ça) de découvrir le camp sous un grand soleil d'été, avec un grand ciel bleu, des arbres et de l'herbe bien verte... Mais en sortant, on s'est effectivement dit que d'y aller l'hiver devait être beaucoup plus difficile...

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  6. J'aimerais beaucoup visiter Cracovie et les camps. J'ignorais que l'usine de Schindler avait été transformée en musée. Je viens d'ailleurs de lire "L'enfant de Schindler" et j'ai beaucoup aimé !

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    1. Je ne connais pas ce livre mais je vais m'y intéresser :)

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  7. Ces images sont lourdes de souvenirs... J'espère que l'on ne verra plus jamais une telle barbarie.

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  8. Parler de cette période de l'Histoire et des camps de la mort n'est pas une chose facile mais tu as bien fait de le faire parce que c'est indispensable. Encore plus vu le contexte actuel.

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    1. Oui, j'ai longtemps hésité et puis finalement je me suis dit que c'était un devoir de mémoire pour ne pas oublier et pour qu'un tel massacre ne se reproduise jamais.. (et effectivement, le contexte actuel fait parfois très peur!)

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  9. Je crois que je serai incapable de visiter Auschwitz. J'ai déjà les larmes aux yeux en lisant ton texte, j'imagine mon état à la fin des trois heures de visite. À Prague, le cimetière juif & le mémorial m'avait déjà retournés. En plus je le vivrais très mal si je voyais des gens se faire des "selfie" ou autre près de moi (j'ai déjà vu des selfies sur internet..), mais tu as raison il faut en parler pour ne jamais oublier, même si à "trop" en parler cela pourrait presque devenir "banal" (je ne parle pas pour moi mais pour la vision des gens)(à lire "photo choc" de Roland Barthes qui traite de l'information pour que tu comprennes mieux ce que je veux dire, & puis le texte est très intéressant). Après, à titre personnel, je pense que l'homme est mauvais & on ne pourra jamais le changer. (tout le monde n'est pas mauvais hein, mais ce sont ces gens là qui arrivent à prendre le dessus généralement, comme pour Daesh entre autre & tous les autres génocides qu'il y a eu depuis 1945 (Rwanda, Khmers..).

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    1. A Prague, le mémorial juif avait été très émouvant aussi (surtout la pièce avec tous les dessins d'enfants !). J'avais vu passer l'histoire du selfie sur Internet... c'est vrai que le comportement de certains sur ce type de site peut choquer... Je suis d'accord avec toi, les "mauvais" resteront souvent mauvais et ça on ne peut rien y faire mais ce n'est pas la majorité (enfin je l'espère !)

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    2. Et merci pour le conseil lecture, je vais regarder ça de plus près !

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  10. C'est une visite que "j'aimerais" (bien que le terme soit assez mal choisi) beaucoup faire car je pense qu'elle est nécessaire pour ne pas oublier. Même si on ne peut pas en sortir indemne, il faut se souvenir qu'un rien peut faire basculer l'humanité toute entière.

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    1. oh tu sais, je crois qu'aucun mot ne convient à Auschwitz, j'avais envie de tous les mettre entre guillemets dans cet article de peur d'employer des mots inadaptés. Et, oui, il faut se souvenir, toujours.

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  11. Quand j'ai vu cet article à la UNE de GEO, j'ai tout de suite ouvert.
    Et très vite, j'ai eu des frissons en te lisant, en repensant à tout ce que j'ai lu comme récit ou à ma visite du camp de concentration de Breendonk.
    Je pense qu'il faut se faire un devoir du souvenir afin de ne pas oublier.

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    1. Et Moi, j'ai eu quelques frissons en l'écrivant...pas facile..Mais je pense aussi que c'est notre devoir, un devoir de mémoire indispensable.

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  12. Je comprends que tu aies réfléchi à la manière de traiter ton sujet, tu l'as fait avec habileté. Parfaitement d'accord sur le fait qu'une telle "visite" se ressent beaucoup plus qu'elle ne se raconte. Il y a tant d'impalpable et tant d'émotions.
    Quand j'étais lycéenne j'ai visité le camp de concentration de Natzwiller-Struthof (en Alsace). Un camp "tout petit", mais qui comportait néanmoins fours et chambre à gaz. Comme une répétition miniature de l'impensable à grand échelle que tu as vu en Pologne. J'ai été choquée à l'époque. Beaucoup de gens pleuraient pendant la visite. Presque personne ne parlait.
    Je crois qu'il n'y a qu'en se déplaçant pour aller visualiser cette horreur que l'on maintient vivace la flamme du souvenir.
    Bonne fêtes

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    1. Merci, c'est tellement marquant et éprouvant ce type de "visite" ! Passes de très belles fêtes de fin d'année :)

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  13. Très belles photos de Cracovie ! Ça me rappelle l'année que j'y ai passé. L'usine Schindler est un très bon complément des musées d'Auschwitz

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